RUSSIE: VICTOIRE À DOMICILE
- Néoptimiste
- 26 nov. 2018
- 3 min de lecture
Dans un pays où la culture du football n’est pourtant pas si évidente,
la Coupe du Monde fait souffler un vent de liberté.
L’évocation de la Russie est rarement synonyme de grand soleil et de cosmopolitisme. Pourtant, en plein mois de juin 2018, la rue Nikolskaya est pleine de drapeaux. Cette ruelle qui mène à la Place Rouge est devenue le lieu de rendez-vous incontournable des supporters en quête d’ambiance festive. Ils sont là toute la journée : avant les matchs, pour s’échauffer en dansant, et après, pour fêter la victoire ou oublier la défaite de leur équipe dans une atmosphère de fair-play et de bienveillance. Les autres lieux touristiques de Moscou se parent aussi de toutes les couleurs du monde, et les chants résonnent dans les rues, en espagnol, russe, anglais, français…

Des supporters français sur la Place Rouge, devant la cathédrale de St Basile le Bienheureux.
C’est presque par hasard que la rue Nikolskaya, pourtant pas considérée comme étant parmi les plus importantes de Moscou, a été adoptée par les supporters. Cette rue piétonne relie la Place Rouge, connue pour la cathédrale de St Basile, et la place Loubianka, sur laquelle trône le bâtiment du FSB, ancien KGB (agence des services secrets russes). Du fait de son emplacement stratégique, la rue Nikolskaya a été envahie par les touristes dès le début de la Coupe du monde. Les supporters, en attendant de passer les portiques de sécurité pour accéder à la place Rouge, ont transformé la rue en un lieu de fête. Impossible de trouver une place assise dans les cafés, des musiciens entraînent des cercles de danseurs improvisés, et les délégations s’affrontent à travers les chants et les costumes.

Des supporters Colombiens chantent dans la rue Nikolskaya.
Dans les stades, même atmosphère de joie et de partage. La compétition n’est qu’un prétexte pour charrier son voisin, l’échange culturel est roi. L’organisation semble sans faille, et pourtant, nombreux étaient ceux qui redoutaient la confrontation du peuple russe avec les étrangers venus soutenir leur équipe. Les déboires des hooligans russes lors de l’Euro 2016 en France ne sont pas passées inaperçues. Mais la célèbre militarisation russe, souvent critiquée, a ici joué son rôle : aucun débordement à noter. Les agents, dos au terrain, surveillent les gradins et rien, pas même un but, ne les déconcentre de leur tâche. Dès qu’une bagarre semble éclater dans les rangées, les agents évacuent les coupables du stade. Cette pratique garantit une sécurité imperturbable durant toute la Coupe du Monde. Seul accrochage notable en un mois de compétition: des Pussy Riots, déguisés en agents de sécurité, réussissant à déjouer l’attention de ceux-ci et surgissant sur le terrain en pleine finale. Il suffira de quelques secondes pour les rattraper, leur action les condamnant à 15 jours de prison.
La Russie est un pays où la liberté d’expression est bridée par une censure non-officielle, et où le racisme et la xénophobie sont presque coutumiers. On peut difficilement s’attendre à autre chose dans un pays ultra nationaliste qui s’est ouvert au monde il y a moins de 30 ans, après 70 ans de dictature communiste. Mais, étonnamment, dans un pays ou le football n’est même pas un sport national car on lui préfère le hockey (pour les garçons) et la gymnastique (pour les filles, le sexisme étant aussi d’actualité), la Coupe du monde a ouvert les yeux des habitants sur l’étranger. On voit enfin les touristes sous un nouvel angle, plus comme des ennemis de la Mère Patrie, mais comme des amis venus partager une bière et leur culture autour d’un match de foot. Les Russes sont les premiers à supporter le Brésil, la France, la Belgique, et leur propre équipe bien sur. Celle-ci a dépassé les attentes de son public (même celles du président Poutine en personne) en arrivant en quarts de finale contre la Croatie. Les supporters russes n’ont ainsi pas été déçus, mais ont quand même supporté la France en finale (personne ne voudrait soutenir l’équipe qui a éliminé la Sbornaïa). La Russie a suivi le reste du monde et a vibré à chaque but, à chaque corner ou penalty, à chaque coup de sifflet final.

Session de maquillage sur la rue Nikolskaya
Aujourd’hui, la Russie doit encore s’améliorer dans le domaine du respect des Droits de l’Homme: la communauté LGBT est toujours opprimée, les violences conjugales dépénalisées et la liberté d’expression reste très limitée. Mais la Coupe du Monde a permis, à sa manière, d’éclairer les mentalités de tout un pays, nouvelle preuve que le sport est un vecteur capital du progrès des sociétés.
- Alexandra Mac Farlane, 17 ans.
Source d'images
www.hugueslaurent.net
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